La démocratie en miettes ; pour une révolution de la gouvernance
C’est à ce jour l’ouvrage de synthèse le plus complet et le plus général que j’aie fait sur la gouvernance. Celui qui développe de la façon la plus détaillée les principes généraux que je pense avoir progressivement mis en évidence.
Le véritable titre est d’ailleurs plutôt le sous-titre : « Pour une révolution de la gouvernance ». C’est bien en effet ce qui me fait courir : la mise en place du système conceptuel, des institutions et des mécanismes d’une gestion des sociétés réellement adaptée à la réalité du 21ième siècle.
J’y insiste d’ailleurs sur le fait que notre espace domestique aujourd’hui, comme le dit Edgar Morin notre terre patrie, est aujourd’hui la planète toute entière. Au lieu de voir la gestion des sociétés comme la gestion conjointe de communautés ou de territoires locaux, mettant en commun progressivement des structures supranationales pour gérer leurs intérêts communs, il faut regarder demain la gouvernance comme avant tout mondiale, l’enjeu de survie de l’humanité étant de gérer les interdépendances des sociétés entre elles et avec la biosphère, cette gestion pouvant ensuite se déléguer au niveau d’entités sociales et écologiques d’échelle plus petite. Mais j’ai trouvé utile d’utiliser un titre provocateur : la démocratie en miettes. En effet, ma pratique des institutions internationales m’a montré qu’elles ne cessent de promouvoir partout dans le monde le modèle de démocratie représentative à l’échelle de l’Etat nation inventé en Europe Occidentale au 18ième siècle. Mais ce zèle missionnaire fait l’impasse sur un fait troublant : dans les pays où elles sont nées, ces institutions démocratiques sont en crise et l’image auprès de l’opinion des responsables politiques pourtant élus au suffrage universel ne cesse de se dégrader. D’où l’importance de bien montrer dans le domaine de la gouvernance ce qui est éternel et ce qui ne l’est pas, ce qui est lié à un contexte particulier à un temps, à un espace et à une culture donnée, et ce qui vaut pour toutes les cultures ou pour toutes les époques. Dans de nombreux documents de littérature grise, j’ai souligné que la gouvernance était une question éternelle, qu’il s’agissait ni plus ni moins que de survie des sociétés, mais que les formes concrètes prises par la gouvernance étaient éminemment variables en fonction du système technique de l’époque, en fonction des traditions, en fonction des besoins concrets de la société. Cette affirmation vaut en particulier pour les formes prises par la démocratie. Les constitutions et institutions démocratiques de l’Occident ont été inventées pour une échelle particulière de gestion des interdépendances, l’Etat nation qui s’était imposé sur les féodalités. Elle repose sur l’idée de représentants qui se réunissent en un Parlement, ce qui correspond à une époque où le taux d’alphabétisation est faible, où les déplacements sont lents et se font à cheval, où la circulation de l’information est lente et coûteuse, où pour l’essentiel les interdépendances s’organisent à l’échelle nationale. Aucune de ces hypothèses n’est vraie aujourd’hui. D’où l’importance de dissocier les valeurs et principes de l’idéal démocratique, en particulier ceux qui fondent la dignité des hommes, la citoyenneté, la possibilité à tous de participer à la gestion de la polis, avant-hier la cité, hier l’Etat, aujourd’hui le monde, de ce que sont les formes concrètes de traduction dans les institutions de cet idéal démocratique dans chaque culture et à chaque époque.
La traduction rapide et la large diffusion en chinois du livre reposent en partie sur un malentendu que je crois fécond : si même les Occidentaux critiquent la démocratie, pourquoi cherchent-ils à nous l’imposer ? C’est le point de départ du débat.
L’accélération des évolutions techniques et économiques, l’emprise brutale des rapports marchands, les menaces nouvelles sur les grands équilibres de la planète sont en train de bousculer les systèmes de pensée et les institutions forgées au cours de l’histoire. Nos repères intellectuels, moraux et politiques traditionnels en sont perturbés, les solidarités construites au fil des siècles, affaiblies ; la démocratie, à force d’être malmenée, devient un mot creux. Nous sommes peut-être proches du début d’un nouveau cycle, dont l’enjeu va être de construire un nouveau socle éthique, des modes de vie, de production et de régulation renouvelés, qui puissent correspondre à ce nouvel état du monde.L’auteur invite à une véritable révolution copernicienne de la gouvernance – capacité des sociétés humaines à se doter de systèmes de représentation, d’institutions, de processus, de règles, de corps sociaux, de rites, de valeurs partagées et de pratiques pour se gérer elles-mêmes dans un mouvement volontaire.
Thèmes :
Théorie des décalages ; relation réflexion action ; idéologie ; histoire ; crise ; réforme de l'Etat ; relation local global ; légitimité ; éthique ; contrat social ; service public ; articulation des échelles de gouvernance ; subsidiarité active ; partenariat ; territoires ; logique institutionnelle ; monde ; Europe ; France.
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Année de sortie : 2003
Nombre de pages : 336
Référence : GC013
ISBN : 2-84446-054-2
EAN13 : 9782844460547
(Editions Charles Léopold Mayer)